Nous assistons cet automne à un début d'épidémie de grèves générales dans l'Europe du Sud, le Grand Jour approcherait-il à grands pas? Voici quelques extraits de trois enthousiastes libertaires de la fin du XIXème siècle: l'auvergnat Jean Grave, le géographe Elisée Reclus, et le flamboyant Pierre Kropotkine.
Jean Grave |
Jean Grave, La société mourante et l'anarchie (1893):
"Nous ne sommes pas de ceux qui prêchent les actes de violence, ni de ceux qui mangent du patron ou du capitaliste, comme jadis les bourgeois mangeaient du prêtre; ni de ceux qui excitent les individus a faire telle ou telle chose, a accomplir tel ou tel acte. Nous sommes persuadés que les individus ne font que ce qu'ils sont bien décidés par eux-mêmes à faire; nous croyons que les actes se prêchent par l'exemple et non par l'écrit ou le conseil; c'est pourquoi nous nous bornons à tirer les conséquences de chaque chose, afin que les individus choisissent d'eux-mêmes ce qu'ils veulent faire. Mais nous sommes convaincus aussi que les idées bien comprises doivent multiplier, dans leur marche ascendante, les actes de révolte."
Ce livre lui coûtera deux ans de prison.
Elisée Reclus |
Elisée Reclus, L'évolution, la Révolution et l'idéal anarchique (1897), p.169 de l'édition de 1914:
" Certainement, les socialistes, devenus les maitres, procéderont et procèdent de la même manière que leurs devanciers républicains: les lois de l'histoire ne fléchiront point en leur faveur. Quand une fois ils auront la force, et même bien avant de la posséder, ils ne manqueront pas de s'en servir (..) par la destruction de tous les éléments hostiles. Le monde est plein de ces ambitieux naïfs vivant dans le chimérique espoir de transformer la société par une merveilleuse aptitude au commandement; puis, quand ils se trouvent promus au rang des chefs, ou du moins emboites dans le grand mécanisme des hautes fonctions publiques, ils comprennent que leur volonté isolée n'a guère de prise sur le seul pouvoir réel, le mouvement intime de l'opinion, et que leurs efforts risquent de se perdre dans l'indifférence et le mauvais vouloir qui les entoure. Que leur reste-t-il alors à faire, sinon d'évoluer autour du pouvoir, de suivre la routine gouvernementale, d'enrichir leur famille et de donner des places aux amis?"
Cela sonne étrangement d'actualité...
Pierre Kropotkine, dans L'Anarchie, sa philosophie, son idéal (1896), prône l'association libre et l'entraide:
"L'homme vécut des milliers d'années avant que les premiers états se fussent constitués; (...) pour nous, Européens modernes, les Etats ne datent que du seizième siècle. Ce n'est qu'alors que la défaite des communes libres fut achevée, et que parvint à se constituer cette assurance mutuelle antre l'autorité militaire, judiciaire, seigneuriale et capitaliste, qui a pour nom "Etat". Ce n'est qu'au seizième siècle qu'un coup mortel fut porté aux idées d'indépendance locale, d'union et d'organisation libre, de fédération à tous les degrés, entre des groupes souverains, possédant toutes les fonctions, aujourd'hui accaparées par l'Etat. (...) Aujourd'hui seulement, depuis vingt ans à peine, nous commençons à reconquérir, par la lutte, par la révolte, quelques amorces du droit d'association, qui fut librement pratique par les artisans et les cultivateurs du sol à travers tout le moyen-âge. (...) Partout ces sociétés empiètent déjà sur les fonctions de l'Etat et cherche à substituer l'action libre des volontaires à celle de l'Etat centralisé. (...) On nous dit que quand nous demandons l'abolition de l'Etat et de tous ses organes, nous rêvons d'une société, composée d'hommes meilleurs qu'ils ne le sont en réalité. - Non, mille fois non! Tout ce que nous demandons, c'est qu'on ne rende pas les hommes pires qu'ils le sont, par de pareilles institutions!"
"L'homme vécut des milliers d'années avant que les premiers états se fussent constitués; (...) pour nous, Européens modernes, les Etats ne datent que du seizième siècle. Ce n'est qu'alors que la défaite des communes libres fut achevée, et que parvint à se constituer cette assurance mutuelle antre l'autorité militaire, judiciaire, seigneuriale et capitaliste, qui a pour nom "Etat". Ce n'est qu'au seizième siècle qu'un coup mortel fut porté aux idées d'indépendance locale, d'union et d'organisation libre, de fédération à tous les degrés, entre des groupes souverains, possédant toutes les fonctions, aujourd'hui accaparées par l'Etat. (...) Aujourd'hui seulement, depuis vingt ans à peine, nous commençons à reconquérir, par la lutte, par la révolte, quelques amorces du droit d'association, qui fut librement pratique par les artisans et les cultivateurs du sol à travers tout le moyen-âge. (...) Partout ces sociétés empiètent déjà sur les fonctions de l'Etat et cherche à substituer l'action libre des volontaires à celle de l'Etat centralisé. (...) On nous dit que quand nous demandons l'abolition de l'Etat et de tous ses organes, nous rêvons d'une société, composée d'hommes meilleurs qu'ils ne le sont en réalité. - Non, mille fois non! Tout ce que nous demandons, c'est qu'on ne rende pas les hommes pires qu'ils le sont, par de pareilles institutions!"
1 commentaire:
En effet, l'extrait du texte d'Elisée Reclus montre une singulière similitude avec notre pouvoir actuel !
Comme quoi certaines idéologies sont incapables de changer au fil du temps... :-(
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